Détails dans une analyse des dépenses : trop, c’est combien ?
Corcentric
J’ai régulièrement des conversations sur la granularité des données avec des entreprises intéressées par l’analyse des dépenses. L’une des questions que l’on me pose souvent est la suivante : « Comment savoir si nous avons suffisamment de détails ? »
Je comprends d’où vient cette question : nous vivons dans un monde où la collecte et le stockage de grandes quantités de données sont monnaie courante. Dans le cadre d’une analyse des dépenses, je rejette cependant ce concept. À ce stade, il est selon moi beaucoup plus sain de se demander : « Comment savoir si nous en avons trop ? »
Less is More: Moins c’est vraiment plus !
À une époque, l’adage « moins c’est plus » était en vogue, avec une tendance à la simplification afin de souligner et d’insister sur un point principal ou une priorité. Cette philosophie simple et efficace donnait souvent des résultats lorsqu’elle était appliquée correctement. Nous vivons désormais dans un monde où il est plus facile et moins cher que jamais d’avoir plus. La théorie du « moins c’est plus » s’expliquait-elle tout simplement par l’absence d’outils digitaux et du big data dont nous disposons aujourd’hui ?
Encore une fois, je rejette cette notion. Les progrès technologiques ont certes facilité la collecte de quantités massives de données, mais aucun d’entre nous n’a pour seule mission de recueillir des données juste pour remplir un serveur de données. Notre mission consiste à dresser une image claire et concise des postes où l’argent est dépensé, avec qui et à quelle fréquence. Nous allons ensuite nous appuyer sur cette image claire et concise pour identifier des initiatives de sourcing stratégique clés.
Mon propos devient conceptuel, donc laissez-moi vous donner un exemple. Pensez à votre dernier achat chez Office Depot. Il y a des stylos, des trombones, des cahiers et des dizaines d’autres articles individuels. Pour un seul de ces articles, il y a des stylos noirs ou bleus, des feutres ou des stylos à bille, des produits de marque ou sans marque, des achats sous contrat ou hors contrat, et la liste est encore longue, simplement pour les stylos ! Pour une simple commande de fournitures de bureau, les points de données à prendre en compte sont nombreux.
… Mais est-ce vraiment le cas ?
Pensez à tous ces points de données par rapport à notre objectif : nos dépenses en fournitures de bureau constituent-elles un candidat viable pour un projet de sourcing stratégique ? Peut-être que oui, peut-être que non… Je peux toutefois vous assurer que la réponse ne se cache pas dans la couleur de l’encre de mon stylo, dans l’épaisseur du trait ou dans les innombrables autres points de données que nous pourrions recueillir.
Choisir la bonne carte pour s’orienter
Si l’on imagine l’analyse des dépenses comme une carte, on dispose de diverses options concernant le type de carte que l’on souhaite créer.
Prenons tout d’abord la carte topographique. Précision pour ceux qui ne font pas partie des randonneurs émérites : les cartes topo font apparaître de nombreux détails, notamment les altitudes, les structures artificielles et/ou naturelles, les zones forestières, etc. Tous ces détails sont intéressants, mais ils ne vont pas forcément me servir pour me rendre à Clermont-Ferrand.
Considérons maintenant une carte Michelin. Il y a là trois couleurs : du bleu pour l’eau, du vert pour les forêts et du rouge pour les routes. On ne peut pas faire plus simple. Mais, vous savez quoi ? Je peux m’en servir pour aller à Clermont-Ferrand… et ne pas rouler dans les lacs ou les rivières, par exemple.
La question suivante consiste donc à déterminer quels sont ces quelques détails incontournables dans une analyse des dépenses. Commençons par les caractéristiques générales :
- Similarité des produits : dans quelle mesure les biens et services acquis sont-ils similaires ? Plus précisément, puis-je les regrouper par types de fournisseurs qui les proposent ?
- Similarité des fournisseurs : qu’est-ce qui différencie mes fournisseurs dans le cadre de ces produits ? Leurs structures de coûts, leurs accords de niveau de service ou leurs conditions contractuelles sont-ils similaires ? Les fournisseurs offrent-ils une valeur ajoutée identique ?
- Stratégies de sourcing : y a-t-il des similarités concernant la mise sur le marché pour ces produits ? Puis-je regrouper les produits qui s’accorderaient bien dans un panier pour une demande de prix (RFQ) ? Y a-t-il un groupe propice à une opportunité d’accord de stratégie de groupe (GPO) ?
- Économies potentielles : puis-je regrouper les produits dans des catégories d’économies ? Mes catégories d’économies sont-elles relativement élevées ou faibles ? Sont-elles larges ou serrées ?
Pour poursuivre avec notre exemple des fournitures de bureau, je considère que tous les produits d’Office Dépôt sont assez similaires en ce qui concerne les fournitures. De même, des fournisseurs comme Manutan ou Raja sont similaires pour ce qui est du fonctionnement des activités et de la structure des accords. Je sais qu’à l’occasion d’un RFQ, en combinant substitution de produits et consolidation des fournisseurs, il est possible de réaliser des économies. Si en parallèle, je pousse en interne pour encourager le respect d’une liste d’achats sous contrat, ces économies seront réalisées. Je sais aussi que, de prime abord, je peux m’attendre à des économies de l’ordre de 10 à 20 % des dépenses annuelles.
Pour toutes ces raisons, nous allons simplement regrouper ces fournisseurs et ces produits sous l’appellation « Dépenses administratives : fournitures de bureau » et examiner si 10 à 20 % de ce total consolidé vaut la peine d’une initiative de sourcing stratégique.
Le bon moment et le bon endroit pour viser « plus »
Maintenant que je vous ai expliqué à quel point « Moins, c’est vraiment plus ! », je dois vous avouer qu’il y a quand même un moment propice pour aller dans les détails : pendant l’appel d’offres lui-même.
Une fois que nous aurons validé que nous pouvons réaliser des économies, nous pourrons nous lancer dans l’identification des meilleurs stylos à inclure dans notre accord de prix sous contrat. Mais mettre la charrue avant les bœufs et faire cette analyse granulaire et approfondie avant même de savoir où nous voulons aller nous fait courir un risque de paralysie par l’analyse et peut engendrer des coûts de renoncement.
Ainsi, au début de notre analyse des dépenses, gardons tous à l’esprit le mantra du « moins c’est plus ».